Kazem Rezvanian a ouvert son atelier à tous les amateurs de peinture a ceux pour qui leur appartement possède une âme à partir du moment où les murs s'ornent de tableaux de maîtres rodés aux techniques les plus délicates de l'art pictural. Transmettre aux autres la chose vue au travers d'un regard qui lui est propre fut pour Kazem Rezvanian une démarche acquise très tôt auprès d'un père, artiste coté en Iran. Et l'élève sut faire honneur au précepteur initial en témoignant du souci de faire sien, non seulement les techniques de maîtres iraniens comme Kamai Almock, mais encore celles des maîtres en Europe avec un attrait plus particulier pour ceux de l'Ecole Flamande.
Un artiste véritable n'a de cesse d'apporter des touches nouvelles à chacune des toiles nées récemment ce qui en fait une oeuvre originale mais rend difficile l'analyse d'une exécution particulière puisqu'un amoureux de l'art s'en sera déjà porté acquéreur. Qui dit exposition permanente comme c'est le cas dans le salon de l'atelier, 6 rue du Travail à Strasbourg, dit cimaises en perpétuel renouvellement. Et c'est avec modestie que la critique se met à juger d'un ensemble car la toile qui attirait une attention soutenue aura déjà trouvé preneur ce qui tend à confirmer que le bon goût tient à l'universalité.
Ce que l'oeil saisit au premier abord, c'est le rôle de l'ombre et de la lumière dont le peintre fait usage avec une maîtrise parfaite où le brun indien et le bleu marine s'opposent aux ocres chauds avec leurs effets lumineux comme un soleil intériorisé. Et quand le regard se rapproche de la toile, il réalise que l'artiste choisit, dans une palette fort riche, la technique qui donnera à tel paysage sa profondeur avec, au premier plan, un village qui se découpe très nettement sur un fond de montagnes voilé de vapeurs aux tons pastel. Tel bouquet avec ses glacis de bleus prend tout son relief avec des pétales qu'une brosse habile a travaillés en saillies. Paysages et natures mortes, mais pas seulement. L'artiste sait créer le mouvement avec des stries de peintures appliquées en touches minces ou épaisses, claires ou sombres pour évoquer le gestuel d'un couple enlacé dans l'esquisse d'un pas de danse.
Atelier à visiter absolument avec le plaisir d'y rencontrer un peintre en plein travail. Ici, les couleurs et les thèmes sont à la mesure de l'universel; le temps a suspendu son vol pour s'attarder sur ce qui fait le sel de la vie: la paix retrouvée dans l'ombre des bruns comme ceux des bois de nos colombages alors que les ocres et les outremer déversent un reflet de paradis jamais oublié.
Michelle MEYER, écrivain et journaliste, Lauréate de l'Académie Française en poésie.